Dans le cadre des ambiances bar-session des Vendredis soirs de la Mission, l’atelier chant gallo propose une soirée en hommage à Albert Poulain, récemment disparu. Une occasion de saluer l’immense collecteur qu’il a été, mais aussi de se souvenir de sa truculence et de sa bonhommie : la soirée sera à son image ! On aura l’occasion d’écouter complaintes, chant à danser, chant à écouter, chant à répondre…
Bar et tapas sur place.
Depuis ce 6 octobre 2015 Albert Poulain n’arpentera plus le territoire de Redon, qui l’avait vu naître le 8 septembre 1932. Décédé à l’âge de 83 ans Albert Poulain était un homme de terroir et de fidélité. C’est pourtant de Paris, où il poursuit ses études de dessin et d’architecture de 1953 à 1958, qu’il rapportera son vif intérêt pour la culture locale en fréquentant avec assiduité les très actifs groupes bretons de l’époque, tel le Ker Vreizh.
De retour en Bretagne dès 1959 il s’installe à Pipriac et continue à fréquenter les milieux culturels bretons, les cercles celtiques, la Kevrenn de Rennes. Dès lors il entame une scrupuleuse campagne de collecte des chants traditionnels des environs et en particulier de ce terroir où il s’est enraciné, Guipry, Pipriac, la vallée de l’Oust. Rigoureux et vigoureux Albert Poulain ne triche pas, ne ré-arrange rien, il reçoit sans réinventer ou interpréter selon un schéma mythographique ou anthropologique préconçu. Pourtant, c’est précisément par l’interprétation qu’il va se différencier de ses grands devanciers (La Villemarquée, Le Braz, Sébillot, Luzel…). Plutôt que de confier à la seule fixation de l’écrit le fruit de ses rencontres et collectes, Albert Poulain va se faire lui-même chanteur afin de restituer de vive voix les trésors anciens qui lui furent transmis. Et là encore, bien plus que laisser s’endormir ce patrimoine en de secs enregistrements phonographiques c’est principalement in situ, dans les bals, les fêtes locales, que le collecteur passionné va exercer son art.
Si le mouvement breton, celtomanes et néo-druides en tête, a longtemps voulu croire et voir en la langue bretonne comme une langue sacrée en dehors de laquelle aucun titre ou brevet de bretonnitude ne pouvait être attribué, Albert Poulain a fait partie de ceux qui ont su faire pièce à une vision par trop exclusive et rendre leurs lettres de noblesse à la langue et aux coutumes gallo sans prétendre chasser un exclusivisme par un autre. Au cours de ses collectes de chants, il constate également la persistance et la vivacité des contes traditionnels de ce terroir. Avant que les mémoires ne s’éteignent et que ce trésor de sagesse populaire ne sombre dans les ombres du passé Albert Poulain entreprend de les collecter et de les publier. Ce sont plus de trois cents contes traditionnels qui sont ainsi rendus accessibles et transmissibles. Et Albert Poulain, professionnellement maître d’œuvre en bâtiment, ajoute une corde à son arc et se fait, comme il le fit pour le chant, maître-conteur afin de conserver à cet ensemble d’histoires et de symboles les couleurs de la vie.
Cet attachement lucide, cet acharnement plein de sincérité lui vaudra de voir son travail exemplaire salué en termes dithyrambiques par le professeur Christian-Joseph Guyonvarc’h (sourcilleux et pointilleux philologue spécialiste de la civilisation celtique) dans la préface à son ouvrage « Sorcelleries Revenants et croyances et Haute-Bretagne ».
Le dernier ouvrage d’Albert Poulain « Fontaines de Bretagne », écrit avec Bernard Rio (Yoran Embanner, 2015) témoigne de la complétude incarnée de celui qui, d’une manière différente, originale et plus vivifiante, avait repris le flambeau des érudits locaux, espèce qu’on croyait éteinte depuis le début du XXe siècle. Le matériel autant que l’immatériel témoigne de l’âme des communautés humaines tout autant qu’ils contribuent à former et forger l’âme de chacun de ses membres. À condition qu’il se trouve encore des passeurs, des hommes et des femmes assez aimants et assez aimables pour transmettre la flamme de la mémoire vive, de ceux-là qui savent et veulent faire savoir que la culture, les cultures sont un combat universel contre ce nivellement que représentent la mort et l’oubli. Albert Poulain, flamboyant autant que modeste chantou et contou contemporain, fut de ceux-là. Nous ne l’oublierons pas… (Thierry Jolif, univers.fr)
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