10 Juillet 1922, onze heures du soir au lieu-dit Crec’h Morvan à Port-Blanc, Penvénan. Une ombre d’étonnante stature sort d’une des maisons et, à pas feutrés, descend vers la plage. Marivon Vraz, la grande Maryvonne, 81 ans, a décidé de partir en secret pour l’Ile du Château. Du village où elle est née à l’île qu’elle connaît comme sa poche, c’est toute sa vie qu’elle retrace, ses chansons, ses métiers, ses amours, le destin à la fois banal et ahurissant d’une forte personnalité dans un monde sans tendresse pour les enfants de pauvres.
C’est cette vie que Marthe Vassallo propose de découvrir au fil d’un parcours-spectacle fait de parole – texte original et archives –, de chansons, d’images portées par différents supports. D’abord proposé, pour sa création, sur les lieux mêmes où a vécu Maryvonne, le spectacle tournera ensuite partout, donnant à imaginer, où que l’on soit, les petites maisons du Crec’h, la mer en bas du chemin et les îles toutes proches.
Maryvonne Mainguy, née Le Flem, a réellement existé. Elle a été aide-maçon, goémonière, couturière, mère célibataire puis femme de pêcheur d’Islande. Elle a fait exploser des rochers dans les champs. Analphabète, elle adorait chanter, raconter, parler, écouter, réinventer, d’histoire en histoire, un monde plus grand et plus juste. Née sous Louis Philippe, morte en 1926, elle ne serait plus aujourd’hui qu’un nom oublié dans un registre si elle n’avait croisé l’écrivain Anatole Le Braz. Il l’interroge pour sa Légende de la mort, il la présente au musicien Maurice Duhamel qui recueille des dizaines d’airs de ses chansons, il fait faire son portrait, et surtout il note, dans ses carnets inédits, quantité de choses qu’elle fait et qu’elle dit, d’elle-même et des autres.
Dans ces documents, elle apparaît sous différents noms : tantôt Le Flem, tantôt Mainguy, tantôt Marivon Vraz. C’est Marthe Vassallo qui, la première, dans ses recherches sur les partitions de Duhamel, s’est aperçue que toutes ces mentions se rapportaient à une seule et même personne. De page en page, de mélodie en texte de chanson, d’anecdote en récit de vie, elle a été saisie d’une émotion et d’une fascination que ce spectacle a pour but de partager.
Maryvonne La Grande propose une expérience rare : faire, sans aucun détour par la fiction, profondément connaissance avec une femme née il y a 175 ans, une de ces « gens de peu » dont il reste ordinairement si peu de traces. Et faire sa connaissance dans toute son individualité : il y a eu des millions de femmes comme elle, mais il n’y a jamais eu qu’une seule Maryvonne Le Flem, la “géante” de Crec’h Morvan ; celle dont nous pouvons, grâce à ce spectacle, entendre l’écho de la voix raconter l’étrange mariage de son frère ou chanter les crimes des seigneurs dépravés ; celle que nous pouvons suivre sur sa route de ce soir de juillet 1922, de sa petite maison à la mer.
20h30 à la Mission Bretonne – 8€ sur réservation – nombre de places très limité – port du masque obligatoire
Un pur moment de bonheur. Un grand merci à Marthe Vassallo pour ce spectacle si vivant et qui m’a permis de faire la connaissance de Maryvonne la grande et d’Anatole le Bras.